Bonne année?
Laissez-moi moi d’abord copier-coller ici les notes pour l’intro de cette infolettre de janvier que j’avais pré-écrite en décembre, comme une sorte de prière, de souhait, de mantra pour les mois à venir : «Début d’année en douceur, je souhaite que ça reste comme ça le plus longtemps possible.»
La bonne blague. Je vous passe les détails, mais l’année 2024 ne sera d’aucun repos et cela s’est manifesté pour moi quelques jours tout juste avant Noël avec de très mauvaises nouvelles, deux en particulier, qui me bouleversent.
Je vais donc ouvrir autrement en vous disant tout simplement immense merci, vous qui me lisez. Ce projet d’infolettre me fait du bien, garde ma plume en vie, me rend créative, me permet d'écrire pour le plaisir, me change de mes manuscrits.
Et puis merci aussi de me lire avec assiduité. Comment puis-je l’affirmer? J'ai appris en écoutant cet épisode du balado Le métier d’informer de Steve Proulx — dans lequel Marc-André Sabourin, chef du bureau affaires et économie au magazine L'actualité, était invité pour parler du phénomène des infolettres — qu'un bon taux d'ouverture se situe autour de 55-60 %.
Eh, bien ma foi, le taux d'ouverture moyen en 2023 de l'infolettre que vous êtes en train de lire se situe à 74 % !
Donc merci, infiniment. 🙏
REALITY CHECK
Savoir accueillir la joie et éprouver de la gratitude trônent tout au haut des valeurs qui comptent à mes yeux. Ce sont des émotions rares, qu’il faut chérir. La plupart du temps, la vie ne fait que nous passer sur le corps. Pour ma part je suis venue au monde avec un gros défaut : je fais confiance aux êtres humains. C'est probablement la principale source de malheurs dans ma vie, sur tous les plans.
Longtemps, j’ai pensé que les gens étaient foncièrement bienveillants, de bonne foi (ma sœur dit que je suis bonasse) et, surtout, j’ai cru dur comme fer en leur intelligence, à cette idée qu’à bon entendeur·e... Tout cela est faux, bien entendu. Le fait est qu’il faut toujours s’expliquer, tout expliquer, et de long en large. Et, encore, souvent sans succès.
Pourtant me reste, comme increvable, cet enthousiaste amour du flou, cet écrin et cocon garant, il me semble, de l’éclosion de toute velléité créative. Par exemple, mon plus récent livre a tour à tour été décrit, qualifié, classifié comme un roman, un récit, un récit autobiographique, une œuvre autofictionnelle ou un essai littéraire.
Bien que je me réclame plutôt de l’autofiction, cette confusion du genre me ravit. Dans l’indéfinissable réside la beauté.
Et puis être lue demeure un privilège, d’autant plus quand les retours sont aussi positifs!
Tout va bien dans le meilleur des mondes, donc! Quel est le problème?
Plutôt un agacement lancinant: j’en ai contre les vérificateurices de faits, ces esprits chagrin et butés, psychorigides, aussi rares que déplaisants, qui dépossèdent l’existence de sa poésie.
«Oui, mais est-ce qu’absolument tout est vrai dans le livre, s’est passé exactement comme ça? Es-tu bien certaine de ceci ou cela ? N’était-ce pas plutôt l’été suivant, ou le matin plutôt que la nuit?»
À ces gens qui coupent les cheveux en quatre, me forcent à sortir de ma brume vénérée pour descendre au ras des pâquerettes, j’ai envie de répondre ceci (c’est un extrait de mon texte dans le plus récent numéro de la revue Tristesse, paru le mois dernier) :
«Il y a deux ans, à l’automne, j’ai publié un récit très triste avec quelques blagues, illustré par l’incroyable Agathe Bray-Bourret, une histoire vraie, la mienne. Mais tout ne s’est pas passé dans cet ordre précis. Ou pas nécessairement. Ou peut-être bien que si. C’est ce qui me plaît avec l’écriture, je peux rassembler mes bribes, leur inventer une signification. C’est un jeu satisfaisant.»
Et, surtout, je leur transmets les bons mots de l’écrivaine Marie Demers, passée récemment au micro de Lynda Dion :
«L'autobiographie, c'est simplement impossible. Quand je raconte une scène de mon passé, évidemment que je suis dans l’autofiction. Je ne me souviens pas des boucles d’oreilles que portait ma mère, mais pour une mise en ambiance, pour le récit, pour la littérature, il faut que j’invoque des sens ; c’est du construit, tout est construit, la réalité est construite aussi, on pourrait dire.
L’autobiographie étant impossible, l’autofiction est le pacte d’écriture du réel le plus proche de ce qui s’offre à nous, de la vérité avec de gros guillemets. Mon but, c’est de m’en rapprocher, d’aller le plus près possible de ce que je considère comme une vérité, une vérité qui ne m’avantage vraiment pas nécessairement, mais qui saisit quelque chose du réel.»
Honnêtement, je n’aurais pu mieux dire. D’ailleurs, des lecteurices clairvoyant·es l’auront peut-être saisi: le personnage que l’écrivaine fait le plus mal paraître dans Une détresse contrôlée, c’est elle-même.
Mais à quoi bon espérer des miracles... Parfois j’en viens à me demander si certaines personnes savent véritablement lire.
DE TRÈS BONS MOTS
Vous souvenez-vous du magazine Planète F? Mariève Paradis et Sarah Poulin-Chartrand l’avaient fondé au milieu des années 2010, puis la première avait fait cavalière seule pendant quelques années encore.
J’ai envie dans un premier temps de rendre hommage au travail des femmes (majoritaires) ayant fondé et contribué à ce magazine qui a couvert les enjeux liés à la parentalité avec un angle résolument féministe et engagé.
Bon, après ce que je viens d’écrire, ça va avoir l’air un peu fou, mais il se trouve que j’y ai moi-même signé quelques textes. Celui dont je me souviens le plus, c’était une analyse d’un concept à l’époque émergent : the emotional labour (qui n’avait pas encore son nom français de charge mentale). Le texte en question faisait partie d’un grand dossier intitulé Parents, êtes-vous égaux, qui a remporté à Toronto en 2016 (tout juste un an avant la sortie de Maternité : la face caché du sexisme) le prestigieux prix « Meilleure série » aux Canadian Online Publishing Award.
Par la suite Planète F fut partenaire pendant un temps du quotidien Le Devoir. Puis, l'industrie des médias étant ce qu'elle est, le magazine a dû cesser sa publication papier, puis tout court, avant de renaître en 2022 sous la forme d’un autre partenariat, cette fois avec le magazine Premières en affaires.
Et c’est là, aussi, où je veux en venir: Mariève Paradis est la critique littéraire du nouveau magazine et j'ai eu le bonheur d’y découvrir mon plus récent livre parmi ses coups de cœur de l'année !
«Une introspection profonde dans les entrailles de son passé et de son historique familial, Marilyse Hamelin brode entre la littérature et la poésie. Elle raconte son enfance et son adolescence, entremêlée de retours sur l’histoire de ses parents et grands-parents. Écrit de façon sensible et touchante, ce livre d’autofiction touchera votre cœur pour son authenticité et sa finesse. Juste pour la couverture, le livre papier vaut la peine.»
Mille mercis !! C’est tellement réconfortant de se savoir lue avec une telle bienveillance. ❤️
Les bonnes nouvelles s’enchaînent pour mon amie Toula Drimonis. Après avoir été recrutée comme chroniqueuse par The Gazette et le branchissime magazine Maisonneuve, la voilà collaboratrice régulière au prestigieux The Walrus.
Et, surtout, la traduction de son essai à succès, We The Others, paraît enfin en français, aux éditions Somme toute. À sa sortie, à l’automne 2022, beaucoup de francophones espéraient une traduction l’essai, surtout après une virée médiatique francophone abondante, incluant une longue entrevue chez Pénélope.
Il faut savoir que Toula et moi avons parlé de ce livre pendant des années, bien avant sa parution. Il y a une quinzaine d’années, alors qu’on travaillait toutes les deux comme cadre en information chez Médias transcontinental, puis, plus tard, lorsque nous faisions ensemble l’émission Nous sommes la ville à l’antenne de la défunte chaîne MAtv Montréal, Toula planchait, réfléchissait, écrivait ce manuscrit, qu’elle a porté pendant tout ce temps.
Alors que j’étais devenue directrice littéraire aux éditions Somme toute et que le livre en version originale anglaise n’était pas encore paru, déjà, nous discutions de son essentielle traduction, que je chapeauterais. Il a même été question que je traduise le livre moi-même. Voici d’ailleurs le court résumé que j’avais rédigé à propos de l’ouvrage à l’intention du distributeur, je pense que ça va vous donner une bonne idée du message du livre:
«À la fois attachée, reconnaissante et critique de la société qui l’a vue naître, l’autrice cartographie avec sensibilité les difficultés générationnelles des personnes immigrantes, les conflits de loyauté qui surgissent et les incontestables enjeux d’appartenance. L’essai s’enracine dans l’historique familial de l’autrice, fille d’immigrants grecs, tout en s’articulant autour de ses recherches à titre de journaliste couvrant la politique québécoise depuis plus de 20 ans.»
Un horaire trop chargé aura eu raison de ma participation entière au projet. Après avoir branché Toula et la romancière Mélissa Verreault pour la traduction — cette dernière excelle, c’est aussi elle qui a traduit le texte d’Heather O’Neill dans nos 11 brefs essais sur la beauté —, c’est finalement la remarquable Fanie Demeule qui se sera chargée de la direction littéraire de la version française de l’ouvrage (Nous, les autres), qui paraît ce mois-ci.
En librairie le 30 janvier!!
MOMENT ATTACHANT
Je vous recommande cette charmante vidéo qu’une amie lectrice m’a fait parvenir en fin d’année sur Instagram.
On y voit Myriam, qui confie s’être mise à lire plus intensément en 2023 parce qu’elle a été embauchée dans une libraire (L’excèdre), et qui nous partage son livre coup de cœur de l’année.
Je vous le donne en mille: c’est notre collectif 15 brefs essais sur l’amour, youppie!!!
C’est tout pour cette livraison, mais, fidèle à mon habitude, j’ai déjà de nombreux chantiers en cours, dont je vous parlerai au fil des mois.
À bientôt!
Merci pour votre infolettre. J'aime bien vous lire..... et ne désespérez pas trop des humains...tout en ne mettant pas trop d'espoir. 😉