Bonjour à toustes!
Est-ce qu’il y a de nouvelles personnes ici? Si oui, en quatre mots: ceci est mon infolettre. Je m’appelle Marilyse Hamelin, je suis autrice, éditrice et journaliste. Enchantée!
BONJOUR TRISTESSE
Tristesse, c’est d’abord un état d’esprit. Si je devais tenter de le décrire, je dirais… hum… se lover dans un spleen onctueux tout en avalant quelques bonbons sûrs. En plus clair: des poèmes et des récits extra lucides, truffés de pépites métaphysiques qui vous pincent le cœur.
Fondée en 2017 par Marie Saur, David Turgeon, Julie Delporte, Rosalie Lavoie et Catherine Ocelot, Tristesse est dirigée par Marie Saur, réviseuse, éditrice et autrice, dont le roman Les tricoteuses — que je viens de commencer — est paru chez Héliotrope Noir et lui a valu le prix Arthur-Ellis 2018 du meilleur roman policier en langue française publié au Canada. (Coucou Marie!).
Cette formidable revue, qui paraît une fois l’an, « autour de novembre » — et plus précisément début décembre cette fois-ci, j’y reviendrai — en sera cette année à sa huitième édition. Et, comme d’habitude, elle collectionne les plumes d’une pléthore de gens que j’admire (la photo ci-bas n’en contient qu’une partie, faute d’espace).
Il se trouve que j’ai moi-même l’insigne honneur de signer un long read dans le tout prochain numéro. Mon texte à paraître s’intitule Une toute petite brèche et aborde mes séances de conditionnement physiques avec des personnes âgées au centre communautaire de mon quartier... pour mieux explorer ma difficulté d’être au monde et de naviguer celui-ci.
Le texte est donc une espèce de complément involontaire à Une détresse contrôlée. Je l’ai d’ailleurs rédigé alors que j’étais en fin de parcours de révision du livre et je pense que les deux, en quelque sorte, dialoguent.
Voici un extrait, question de vous aguicher un peu… 😉
Le processus m’angoissait. D’abord, devenir membre. Puis, après la ronde de préinscriptions réservée aux habitué·es, attendre le tour de la plèbe. S’il restait de place, on ouvrait aux gens comme moi, de l’extérieur. Accéder au Saint des Saints, j’y ai réfléchi pendant des semaines, l’été durant. Début septembre, le fameux samedi, de bonne heure, première en file, je suis entrée au centre Pierre-Charbonneau et me suis inscrite au cours de « conditionnement physique ». J’escomptais une corvée de remise en forme exécutée deux fois par semaine dans l’anonymat le plus complet, comme à l’époque où je m’entraînais au centre-ville de Montréal. C’était compter sans l’âme communautaire de mon nouveau secteur, Hochelaga-Maisonneuve.
Le lundi suivant, toute de lycra fluo vêtue et chaussée d’espadrilles pour l’aérobie, je suis arrivée quinze minutes d'avance à la première séance, et j'ai attendu seule comme une idiote jusqu'à ce que je commence à m'inquiéter. Le studio était encore vide à 17 heures tapantes. Que se passait-il ? M’étais-je trompée de local ? Puis j'ai entendu un brouhaha festif au loin et je suis allée voir dans le corridor.
Ils et elles étaient là, pareil∙les à la bande de Gaulois en liesse fonçant vers l’arène du cirque à la fin des Douze travaux d’Astérix ; joyeux∙euses et débonnaires après une demi-heure de jasette à la cafétéria. Des retraité·s de vingt, trente, et même quarante ans mes aîné·es. Et pas n’importe lesquel·les, je le découvrirais assez tôt : des citoyen·nes qui pètent le feu, qui vont voir des spectacles au Centre Bell, à Osheaga. De celleux qui vous entretiennent dans le détail de politique américaine, d’éthique animale et de crise climatique, qui pendant les exercices de réchauffement, qui joggant sur piste ou pédalant sur le vélo stationnaire, qui pliant les genoux lors des séances de renforcement musculaire.
Tout l’automne – par timidité, par peur de déranger, d’exister – j’ai souvent fui leurs yeux brillants de curiosité, esquivé la bienveillance de celles et ceux qui avaient un jour eu le même âge que moi et qui vieillissaient probablement beaucoup mieux que je ne saurais jamais le faire. Jean, Claudette, Marc, Hélène, Gilles… du « bon monde » de la génération de mes parents, doté·es d’une énergie printanière me rappelant l’élan de ma mère depuis son cancer qui lui a redonné goût à la vie ; des retraité·es bien portant·es roulant en voiture, bénéficiant de retraites décentes et même confortables après avoir été comptables, fonctionnaires, journalistes, marins, profs....
Toustes m’ont raconté habiter dans les banlieues de l’est de l’île, un sort contrastant avec la réalité plus précaire des citoyen·es que je côtoie chaque jour dans le downtown « du shlag », au parc Lalancette, à la place Valois ou juste sur ma rue, à deux pas de la promenade Ontario.
Mes congénères hochelagais·es qui se déplacent en autobus, à pied, ou en triporteur, jamais je ne les croise au cours de conditionnement physique du Centre Pierre-Charbonneau. Semblerait que l’égalité des chances n’existe pas, même dans les loisirs communautaires destinés à tous les publics, mais encore trop chers pour plusieurs de mes voisin·es. […]
À la fin des pages qui contiennent mon texte, on voit un collage de Sara Hébert (Bijou de banlieue, 2022), qui, à son tour, semble dialoguer avec mon récit et je trouve ça au boutttttte! 😊
Cette édition 2023 de Tristesse sera lancée dans le monde la fin de semaine du samedi 2 et dimanche 3 décembre à l’occasion de L’Expozine de Montréal, ainsi que sur le site web de la revue. Le numéro se trouvera ensuite, dans les jours suivant la sortie, dans de bonnes librairies montréalaises, le temps de faire la distribution. La revue se rend jusqu’à Bruxelles et il sera aussi possible d’acheter la version électronique sur son site.
Don't feed the troll ?
À propos d’Une détresse contrôlée, j’hésitais à revenir sur la critique « bémolée » parue dans La Presse à son sujet au début du mois. D’abord vous dire que je ne possède pas la science infuse et que c’est toujours intéressant d’accueillir des points de vue sur ce que j'écris. Cela implique forcément des aspects positifs et d’autres négatifs. Ça m'alimente, me fait réfléchir, me garde en vie.
Mais, vraiment, malgré tous mes efforts, je n’ai pas digéré la note de 5.5 sur 10. Je trouve ça horrible. Je suis donc allée consulter la grille de pointage du journal pour bien comprendre. Et là je me suis presque trouvée chanceuse, c’est dire... Voyez-vous, après discussion avec la journaliste, il est apparu que le problème majeur à ses yeux était qu’elle espérait, du moins qu’elle s'attendait à un roman suivi, qui explorerait en profondeur des thématiques sur de longues pages (alors que ce n’est pas ça du tout mon livre, ça n’a jamais voulu être ça ; peut-être aurions-nous dû en effet mieux l’expliquer...). Ainsi, la légende de ladite grille d'évaluation de La Presse indique grosso modo que lorsqu’une œuvre attendue les déçoit, ça vaut 4 sur 10. Yikes ! Mettons que ça m’a aidée à comprendre pourquoi la journaliste estimait que ce n’était pas si pire que ça une note de 5.5 sur 10... (C’est vrai que, sur Letterboxd, ça vaudrait presque trois étoiles sur cinq. Vu de même, ça semble moins pire.)
Petit aparté ici: nous sommes plusieurs à penser que le concept même de système de notation des œuvres par pointage est problématique. Des publications spécialisées comme la revue Lettres québécoise, dans un geste de respect des artisans et de confiance en la littéracie du lectorat, ont d’ailleurs abandonné ce système, un geste que je salue. Tout particulièrement, une grille sur 10, c’est vraiment la pire idée. Y a ABSOLUMENT rien qui a l’air digne d’intérêt en bas de 8 sur 10. Or, selon l’échelle de La Presse, cela équivaut à une œuvre exceptionnelle...
M’enfin... Tout ça pour dire que ça a mijoté dans ma tête depuis une semaine. J'ai consulté autour de moi parce que je me disais que c’est peut-être hasardeux de répliquer et on m’a rappelé à juste titre qu’une critique, ça reste toujours ben l’avis d'une seule personne... Et c’est vrai que c’est du domaine de l’hypersubjectivité. Un exemple: deux lectrices m’ont récemment écrit des commentaires à l’inverse à propos de mon livre. L’une disait que j’étais courageuse d’en donner autant au lecteur tandis que l’autre l’a qualifié de récrit de pudique tout en dentelle. Et, vous savez quoi? Les deux ont raison, tout comme la journaliste qui aurait voulu autre chose que ce que j’avais écrit. Tout ça est normal et dans l’ordre des choses.
Reste que de voir son oeuvre tamponnée d’une note aussi ouache dans le quotidien le plus lu au Québec, ça fait suer. Alors, après mûre réflexion, j’ai décidé de revenir sur le sujet, vaille que vaille. Je sentais que je ne pouvais pas juste laisser les choses en l’état sans rien dire. Voici donc ce que j'aimerais clarifier:
Dans Une détresse contrôlée, l’histoire s’articule et se dessine par l’enchaînement de fragments mémoriels, servant à incarner la mémoire traumatique. C’est pour ça que c’est écrit en passages courts. L'exercice de mon livre n'était pas de creuser les thèmes, mais bien de dépeindre une histoire de manière à la fois crue et impressionniste, en plusieurs moments clés, de sorte que les parties forment un tout narratif cohérent. J’y invite le lectorat à jouer avec moi, à distance, pour qu’il assemble lui-même une partie du puzzle (idéalement sous une couette, en buvant un bon thé bien chaud). C’est ça, ma démarche, la quête formelle que j’ai entamée il y a un bout déjà avec Quelques jours avec moi.
Or je vois bien que ça peut déranger, les formes brèves, quand on préfère lire des romans plus classiques. Mais ce n’est pas comme si le monde littéraire manquait de romans à la forme classique…! Et, pour ma part, ça me va tout à fait de m'adresser à un plus petit nombre. Je ne demande rien de plus. Seulement, je m’interroge, pendant combien de livres encore devrai-je me débattre à expliquer et défendre lesdites formes brèves? Sans déconner, je pense que le prochain livre va s’appeler Ceci n’est pas un roman. Ça devrait aider à gérer les attentes…
Cela dit, je ne me laisse pas démonter, tant s’en faut. Ce livre est l’oeuvre dont je suis la plus fière à ce jour. Elle a nécessité une somme de travail colossale, plusieurs années d’écriture et de réécriture, et rien, absolument rien, pas la moindre virgule, n’y a été laissé au hasard. Deal with it.
Chaud au cœur
Je vous parlais dans la précédente infolettre du primo recueil de poésie illustrée de Mylène Mackay et Geneviève Boivin-Roussy; eh bien j’ai été, tout comme Mylène, TRÈS ÉMUE de découvrir, live à la radio, un extrait puissant du livre lu par la comédienne Larissa Corriveau à l’occasion d’une entrevue vraiment réussie de l’autrice avec Émilie Perreault à Il restera toujours la culture mercredi dernier. Cela a fait chaud au cœur à la directrice littéraire que je suis.
Lors du lancement à la libraire l’Euguélionne, mardi soir dernier, Geneviève a tenu à souligner dans son discours à quel point c’est rare et précieux, la poésie illustrée, et à quel point nous avons eu carte blanche. Je tiens à ajouter ma voix à la sienne. Nous sommes allées au bout de nos idées les plus audacieuses pour ce livre et c’est vrai que c’est joyeusement digne de mention.
C’est tout pour ce coup-ci, on se reparle après le Salon du livre de Montréal!
N’oubliez pas de venir m’y saluer à mon kiosque le samedi 25 novembre à 14h, après la rencontre à laquelle je participe avec Léa et la désormais récipiendaire du Femina 2023 (trop mérité, ultra heureuse pour Neige Sinno!).
Tourlou les bougalous!
Bonne journée Marilyse.